Résonances

Projet transmédia au long cours

Dans une petite rue située d’un quartier populaire à l’est de Paris, se côtoient à quelques mètres de distance une petite église catholique et une mosquée en reconstruction qui pourrait devenir, dans les prochaines années, la plus grande mosquée de Paris.

Dans un contexte général de fortes tensions autour de la laïcité et de la place de la religion dans la société et de l’Islam en particulier, ces deux communautés apprennent à se connaître et à dépasser la méfiance et les crispations réciproques. 

Dans cette rue de 25m de large et 250 de long semble s’esquisser une expérience inspirante de vivre-ensemble. 

Avec un appareil photo et un micro, je pars à la rencontre des fidèles de ces deux communautés ainsi que de leurs voisins pour me mettre à leur écoute.

Quelle doit être la place de la religion dans la société? De quelle manière les fidèles peuvent-ils nous inspirer pour abattre les barrières individuelles et collectives qui fracturent notre société ?

 A propos du projet

  • Le projet Résonances a commencé par l’immersion dans la communauté de Notre-Dame des Foyers, à Paris, à la recherche de résonances d’un côté entre les fidèles de ces deux religions et d’un autre entre les croyants et ceux qui comme moi, agnostiques ou athées, sont engagés dans leur propre quête de sens. Enrichi par ces rencontres humaines et conforté dans ma démarche,

  • Résonances est un projet indépendant que je mène seul, en combinant plusieurs médias :

    - photographies en Noir & Blanc ;

    - témoignages audio de fidèles ,

    - textes personnels dans lesquels je retrace mes rencontres, mes doutes, mon parcours au contact des fidèles ;

    - sons d’ambiance.

  • Résonances a vocation à être décliné sous plusieurs formats, chacun présentant une forme différente :

    - une exposition d’environ 30/40 photos associées à des extraits de témoignages et à quelques fragments de textes personnels

    - une installation de photographies, extraits de témoignages audio, sons d’ambiances et film photographique

    - un livre associant une sélection large de photos, des extraits d’interviews et des textes personnels

    - un film photographique d’une durée d’environ 10 minutes, construit avec environ 100 photos, des sons d’ambiances, des extraits d’interviews, probablement ma voix évoquant mes textes personnels

    - un site réunissant tous les éléments produits dans le cadre du projet

Phase 1 : Notre-Dame des Foyers

200 photographies en N&B argentique ; des dizaines de sons d’ambiances ;

10 interviews audio ; des textes personnels relatant mon parcours.

  • « Je n’aime pas recevoir quelqu’un à mon bureau, les positions dominantes en général ».

    Père Yves-Marie, curé de la paroisse de Notre-Dame des foyers dans le 19e arrondissement de Paris, prend sa chaise et s’assied en face de moi, du même côté du bureau. Son regard franc dégage beaucoup d’humanité. Le Conseil Pastoral, m’annonce-t’il, a donné le feu vert : je peux commencer. Cela faisait 7 mois que j’attendais cette réponse.

  • Dès que je peux, je fréquente la paroisse, avec mon boîtier son 50mm et mon enregistreur numérique. Je suis plutôt bien accueilli par les paroissiens que je croise dès les premières messes auxquelles j’assiste pour observer et pour m'immerger dans l’ambiance des lieux. Des semaines, des mois passent : l’enthousiasme initial de la découverte retombe peu à peu.

  • Je subis l’ambiance austère de l’église, je ne vois rien d’autre que les visages impassibles des paroissiens pendant la messe, leurs poignées de main fugaces avant de rentrer chez eux, les petits groupes réunis dans des salles spartiates faiblement éclairées par la lumière blafarde des néons, au sous-sol de l’église.

  • A la recherche d’images fortes et esthétiques censées évoquer une certaine tension spirituelle, je m'enlise dans la platitude de la liturgie. Mes photos, plutôt correctes formellement, ne transmettent rien : pas étonnant, car je ne ressens rien. En dehors des cérémonies, je passe la plupart de mon temps à errer dans l’église et les couloirs semi-déserts de la paroisse, en quête d’images empreintes de mystère.

  • J’ai du mal à aller vers les fidèles, au-delà des échanges rapides et des sourires. Je me sens seul et perdu, flottant comme un corps étranger au milieu de personnes qui me semblent trop éloignées de ma manière de voir le monde. A plusieurs reprises, je plaque tout ; puis à chaque fois, je finis par reprendre. Frustré, découragé, je doute en permanence. Où se cache leur foi? Où est la communauté, en quoi consiste-t’elle ? J’ai la sensation de me heurter à un mur.

  • Les préparatifs de la veille de Pâques me redonnent de l’espoir : je ressens la ferveur des fidèles et l’importance pour eux de ce moment crucial. Je vais enfin avoir l’occasion de prendre de images intenses et belles : les fidèles enveloppés dans l’obscurité et dans le silence irréel de l’attente, le visage à peine éclairé par les cierges auxquels s'accrochent leurs mains…

  • Quelques jours après la cérémonie tant attendue, je développe mes films. Des deux exposés ce soir-là, je ne ressors que 13 double-expositions. La tension et la peur de rater m’ont joué un mauvais tour : j’ai exposé deux fois le même film ! L’échec est cuisant, j’attends un mois avant de regarder les images. Pourtant, à ma grande surprise, les photos rescapées sont surprenantes, presque mystiques ! Dois-je y voir un signe ?

  • Le parallèle est troublant. J’avance péniblement dans ce projet, frustré et désorienté par la répétition, par le manque d’intensité de mystère et d’esthétique, par l’absence de signes extérieurs de la foi. De la même manière, les fidèles que j'ai rencontrés - à commencer par le curé Yves-Marie - ne cessent de chercher Dieu dans les creux de la vague ; frustrés par la sécheresse spirituelle, ils se sentent souvent seuls face à l’absence de signes de la présence de Dieu dans leur quotidien.

  • Le mur que je ressentais existe, mais il est en moi. Je me heurte à l’inconsistance non seulement de ma démarche, mais aussi de ma propre quête, prisonnière de ma rigidité et de mon auto-référence. J’apprends à faire le deuil de l’esthétisme avant tout : peu importe si mes images ne sont pas belles, ce que je veux, c’est transmettre ce que je vis, cette errance, ma quête et celle des fidèles.

  • Enfin, je lâche prise : je cesse de juger et de m’imposer une direction. La foi des paroissiens que je recherchais dans mes images, j’ai fini par la trouver. Invisible : la foi ne se voit pas, elle est intérieure. Grisé par ce nouvel élan, j’admire maintenant l’engagement des fidèles dans la vie de la paroisse, la solidarité entre eux, le fait qu’ils arrivent à surmonter leurs différences pour vivre en communauté.

  • Tout ceci alimente leur foi et, en même temps, en est le reflet. Plus le temps passe, plus je me sens à l’aise avec eux. Cette bienveillance qui me paraissait un peu niaise au début, maintenant je me surprends à la partager.

Film photographique

Casque audio conseillé

Ce film (7’15) est construit sur un double fil : d’un côté, le quotidien d’une petite paroisse catholique d’un quartier populaire de l’Est parisien raconté en images et en sons, d’un autre les voix de plusieurs fidèles mettant en valeur l’intimité de leur foi, leur rapport à l’autre et les liens qui se créent à l’intérieur de la communauté.

Sélectionné au Festival Les Nuits Photo 2021.

Images et réalisation : Raphaël Blasselle ; Montage : Alexe Liebert.

  • « Pourquoi est-ce qu’on est là, on vient d’où ? C’est pas de la magie d’être sur terre. Pour moi on a été créé. Alors, bien sûr il y a des raisons beaucoup plus scientifiques, après là c’est chacun ses croyances »

    Jessy

  • « Pour moi avoir la foi c’est au plus profond de soi avoir la certitude qu’il y a quelque chose qui est plus grand que ma petite personne… il y a quelque chose qui nous dépasse »

    Madeleine

  • « La foi me donne une stabilité et une grande force. Une grande force pour encaisser et puis… et puis aussi apprendre à… à percevoir justement la beauté, la beauté de la vie et la beauté de tout ce qui m’entoure »

    Isabelle

  • « Je me sens aimée, simplement  »

    Madeleine

  • « Moi à la base je suis pas du tout dans le lâcher-prise, moi je suis dans le contrôle de tout. Et avec Dieu j’apprends justement à lâcher-prise… Ben, il y a l’inconnu et voilà ! "

    Isabelle

  • « Ne pas tout baliser... parce que si je contrôle tout, si je règle tout, si je prévois tout ben je deviens un petit bourgeois qui s’enferme dans ses certitudes, dans ses sécurités plutôt et je n’ai plus de place pour d’autres »

    Yves-Marie

  • « Pour moi c’est pas facile d’avoir la foi… euh… parce que en fait tu as un objectif ou un modèle qui est presque inatteignable. Tu es guidé par un amour parfait et moi je suis terriblement imparfaite »

    Marguerite

  • « J’pense que tu peux passer ta vie à te perfectionner pour être meilleur vis-à-vis des autres  »

    Alain

  • « J’ai l’impression d’être une extra-terrestre, parce que je suis pas, j’ai pas la même vision. Et pour moi je suis dans une logique, en fait »

    Ghislaine

Podcast

Ecoute au casque conseillée.

Comment vis-tu ta foi ? De quelle manière celle-ci influence ton rapport à l’autre ? Quels liens nourris-tu avec ta communauté religieuse ?

Ce sont les questions que j’ai posées à plusieurs fidèles de la paroisse rencontrés dans le cadre du projet Résonances, lors d’entretiens intimes d’une durée moyenne d’1h30.  

Ecoutez les versions brèves - environ 13’ - de quelques entretiens.

Publication sur la revue Like

Un portfolio de 8 pages a été publié dans le numéro 12 de la revue papier Like - Tous les jours curieux au printemps 2023.